Pourquoi est-ce que ça, ça ne se fait pas ?
Je pose le contexte :
Lors d’un mariage je fais des photos des mariés avec des invités.
Les mariés transmettent à leurs amis une galerie avec l’ensemble des photos de la journée, non téléchargeables (sauf s’ils ont pris l’option) et donc protégées par un filigrane.
Si les invités le souhaitent, ils peuvent donc se rapprocher de moi pour acheter des photos.
Un jour, je tombe sur cette photo : copie d’écran, recadrée (puisqu’on ne voit pas mon nom en entier, et qu’on ne devine que la moitié du marié).
Je m’agace !
pourquoi ne pas m’avoir demandé cette photo, puisque visiblement, elle leur plaisait ?
pourquoi couper les mariés puisque la photo a été prise lors de leur mariage (ce qui est donc également offensant pour les mariés…) ?
Dans le monde numérique d’aujourd’hui, les images circulent librement et rapidement. Malheureusement, cette facilité d’accès s’accompagne souvent de comportements irrespectueux, comme faire une capture d’écran d’une photo protégée par un filigrane, la recadrer pour masquer ce dernier et la partager sans créditer l’auteur. Ces pratiques peuvent sembler anodines pour certains, mais elles sont profondément problématiques, à la fois sur le plan légal et éthique.
Alors, après plusieurs mois et grâce au soutient de plusieurs collègues, j’ai enfin décider d’écrire cet article.
Il convient d’abord de rappeler (de manière simplifiée) le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) :
On ne vole pas une photo, car elle est soumise à certains droits.
On ne recadre pas une photo car on respecte le travail de son auteur.
On crédite le photographe
1. Que dit le Code de la propriété intellectuelle ?
En France, le Code de la propriété intellectuelle protège les œuvres de l’esprit, y compris les photographies.
Selon l’article L.111-1 du Code, l’auteur d’une œuvre bénéficie d’un droit exclusif de propriété sur sa création, qui inclut :
Le droit moral (droit de paternité et respect de l’intégrité de l’œuvre).
Le droit patrimonial (droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction et l’utilisation de l’œuvre).
Lorsque vous capturez une image protégée par un filigrane sans autorisation, vous enfreignez ces droits. Pire encore, si vous recadrez la photo pour supprimer le filigrane, vous portez atteinte à l’intégrité de l’œuvre, ce qui constitue une violation directe du droit moral de l’auteur (article L.121-1).
En résumé :
Faire une capture d’écran : violation des droits patrimoniaux.
Recadrer : atteinte au droit moral.
Partager sans créditer l’auteur : non-respect du droit de paternité.
Ces infractions exposent les contrevenants à des poursuites judiciaires, avec des sanctions pouvant inclure des amendes, des dommages-intérêts, voire des peines de prison en cas de récidive ou de préjudice important. Même s’il est évident que je n’irai pas jusqu’à porter quelque plainte que ce soit lorsqu’il s’agit de photos de mariage, mais cela pourrait avoir de grosses conséquence sur des photos commerciales.
2. Un filigrane, ce n’est pas là par hasard
Le filigrane est un outil utilisé par les photographes pour protéger leur travail contre l’usage abusif ou non autorisé. Il indique que l’image est protégée par le droit d’auteur et qu’elle ne peut être utilisée librement.
Le contourner, par recadrage ou autres moyens, revient à ignorer volontairement les droits de l’auteur. C’est comparable à voler un objet en dissimulant son étiquette de propriété.
3. Le respect du droit moral : une obligation légale et éthique
Le droit moral de l’auteur, garanti par le Code de la propriété intellectuelle, stipule que l’œuvre doit être utilisée avec mention de son créateur (droit de paternité). Supprimer un filigrane ou partager une image sans créditer son auteur est un acte non seulement illégal, mais aussi profondément irrespectueux envers le travail artistique.
Imaginez passer des heures à créer une œuvre, pour voir votre travail diffusé sans mention de votre nom ou pire, modifié sans votre consentement. Cela équivaut à nier votre talent et vos efforts.
4. Un préjudice financier
Pour de nombreux photographes, leurs images représentent leur gagne-pain. Elles sont destinées à être achetées ou sous licence, et non à être distribuées gratuitement ou volées. En supprimant le filigrane ou en utilisant une photo sans autorisation, vous privez le photographe d’un revenu qu’il mérite.
Imaginez une entreprise qui utilise votre photo pour une campagne publicitaire sans la payer : c’est une exploitation directe de votre travail. À plus petite échelle, le principe reste le même : tout usage non autorisé nuit à l’économie du créateur.
Pour des photos de mariage, on n’est pas tout à fait sur le principe de la photo commerciale, mais tout de même…
Vous avez tous regardé des DVD et vu la publicité au début qui dit que « copier, c’est voler ».
Et bien, là, c’est pareil : les mariés ont leurs photos, non protégées qu’ils peuvent regarder, comme un DVD, dans un cadre de famille proche.
Mais on ne copie pas (d’autant plus flagrant quand ça vient de la galerie protégée !) l’oeuvre.
Que faire si vous souhaitez utiliser une image ?
Si une photo vous plaît et que vous souhaitez l’utiliser :
Demandez l’autorisation du photographe. Beaucoup seront ravis de vous accorder une licence d’utilisation, parfois même gratuitement pour des usages non commerciaux.
Créditez toujours l’auteur. Mentionner le nom du photographe ou son profil est un geste simple mais puissant.
Achetez l’image si nécessaire. Soutenir les artistes est une manière de contribuer à la valorisation de leur travail.
Conclusion
Voler une photo en faisant une capture d’écran et la recadrer, c’est trahir la confiance et le respect que nous devons aux créateurs. Ces pratiques ne sont ni éthiques, ni légales, ni justifiables. En tant qu’utilisateurs du numérique, il est de notre responsabilité de promouvoir une culture de respect pour la propriété intellectuelle, en soutenant ceux qui enrichissent nos vies grâce à leur talent.
Créditez toujours l’auteur. Mentionner son nom ou son profil est une obligation morale et légale.
Évitez de modifier l’image sans autorisation. Toute modification, y compris le recadrage, nécessite le consentement explicite de l’auteur.
Protéger les droits des photographes, c’est non seulement respecter la loi, mais aussi valoriser le travail des artistes. Adoptons une attitude responsable et éthique envers les créations que nous consommons, car elles sont le fruit d’un travail qui mérite d’être reconnu et protégé.
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